Nacht © Nick Rietzer 20255

Les derniers jours de l’apesanteur
de Fabrice Caro

En arrière, toute

Fabrice Caro, bien connu pour ses BD, est aussi un auteur de romans et celui-ci est le dernier en date. Quant à moi, plutôt chroniqueur de polar, j’ai été irrésistiblement attiré par le pitch de ce livre : l’année du bac. Aussitôt de multiples souvenirs me sont revenus, que le temps passé transforme sans hésiter en épopées, et quand j’en parle autour de moi, que les gens se rappellent leur année du bac, ça fait le même effet à beaucoup (testez, vous verrez). J’ai eu envie de savoir quels étaient les souvenirs de Fab Caro, en attendant d’écrire (peut-être) les miens.

L’ensemble est plutôt réussi. On est dans un lycée d’une petite ville loin de Paris, replongé au début de l’année 1990, année de la libération de Mandela. Alors que les parents aiment Sardou, les jeunes écoutent Supertramp ou Iron Maiden, ils vont aux fêtes en espérant pécho, ils boivent trop, trop vite, et tout part en vrac. Le narrateur et ses deux potes regardent les filles en se demandant comment leur parler, comment leur plaire, comment attirer leur attention, ils envient les quelques beaux gosses du lycée, démarche souple et chevelure soyeuse, lassés qu’elles leur courent toutes après.
Et tout ça avec la pression du bac qui monte, l’espoir de quitter le lycée, la hantise de redoubler, l’inquiétude de ne pas savoir ce qu’ils vont faire après.

Fab Caro sait créer des ambiances, raconter des histoires loufoques qui émaillent le récit. Il a du talent pour nous faire rire, pour faire défiler des flopées de personnages qui disparaissent aussitôt qu’énoncés, nous montrer des situations cocasses, des fêtes délirantes, des gamineries d’ado qui rêvent de devenir adultes, quand bien même certains ont déjà le permis et une vieille 4L qui permet d’emmener les copains aux fêtes (quand elle démarre).
Un embryon d’intrigue policière apparaît même dans ce roman, avec la disparition d’un lycéen, mais notre auteur ne développe pas vraiment le sujet, qui aurait pu être marrant aussi.

Un livre vraiment plaisant à lire, où on attrape deux ou trois fous rires (enfin moi, ça peut être davantage pour d’autres) à la lecture de scènes improbables et déjantées. Un roman qui se lit aussi avec un peu de nostalgie pour ces années lycées où on était tellement jeunes et tellement empruntés, tellement avides de grandir et d’être sûrs de soi. Tellement pressés d’être adultes, quoi.

François Muratet

Les derniers jours de l’apesanteur, Fabrice Caro, Gallimard, août 2025

Photo: Nacht © Nick Rietzer 2025