Fabio Genovesi dit qu’il vient d’une région de fables où « même les choses moches ont un éclairage doré qui les rend magiques » et que l’on peut « naître vieux et devenir jeune en vieillissant ».
Réjouissante vision de la vie qu’il partage avec nous dans son beau roman choral D’où viennent les vagues, qu’il situe dans un village du bord de mer, fondé au début du vingtième siècle par les employés d’une usine d’armement sur des marais entre mer et montagne, devenu station balnéaire huppée et destination touristique internationale.
C’est l’histoire de Sandro, Marino et Rambo, des bras-cassés d’une quarantaine d’années, vivant encore chez leur mère relogée dans une cité près de leur village de Forte dei Marmi où les maisons ouvrières ont été remplacées par des villas de luxe, fermées, cadenassées, dont les propriétaires, souvent russes, ne viennent qu’une fois l’an. C’est l’histoire de Luna, petite fille albinos que ses camarades de classe « prennent pour la fille du diable, ou pour un vampire », aux yeux si faibles qu’elle recrée la vie au fur et à mesure qu’elle ne la voit pas, qui aime la plage et le soleil d’un amour impossible et a une passion pour les cadeaux que la mer lui apporte : « des chaussures, des plaques d’immatriculation, des têtes de poupée aux cheveux emmêlés et ponctués de coquillages, (…) des canettes de boissons aux inscriptions étranges peut-être issus de l’Inde, du Japon ou directement d’un autre monde ». C’est l’histoire de son frère Luca, jeune homme solaire qui dès le réveil « enfile sa combinaison de surf et se précipite à la plage », et qui « ne va au lycée que s’il n’y a pas de vagues ». L’histoire de Serena, leur mère, coiffeuse, qui espère que sa patronne résistera et que le salon « ne sera pas remplacé par une autre de ces bâtisses aux fenêtres obscurcies où l’on joue au poker et aux machines à sous ». Et de Zot, le petit garçon venu de Tchernobyl qui a été placé chez Ferro, vieil aigri au fusil toujours armé pour décalquer quiconque piétinerait ses plates-bandes.
C’est une histoire de l’Italie d’aujourd’hui, raciste et intolérante, dévastée par le libéralisme, mais qui se réinvente malgré tout, solidaire jusqu’au bout, drôle et tendre quoi qu’il en soit. Une histoire comme on aimerait en lire plus souvent.
Kits Hilaire
D’où viennent les vagues de Fabio Genovesi, JC Lattès 2016
Photo © Pere Farré
Interview de l’auteur à propos de son livre : https://www.youtube.com/watch?v=5MlfVeZvTRs