Des sages qui parcourent le monde en haillons, des vies de sable.
Les romans et les nouvelles de James McBride sont traversés de figures tutélaires incorruptibles, toujours marquées par la foi religieuse, et dont la couleur de peau blanche ou noire est déterminante. Il s’agit par exemple du révérend Spurgeon Hart dans Un train nommé « Under Graham railroad », de James Brown le chanteur, dans sa biographie, du vieil abolitionniste John Brown dans L’Oiseau du bon Dieu ou encore de Train, sorte de golem qui s’éveille à la tendresse grâce à la caresse d’un enfant blanc.
Tous ces personnages sont mus par des forces obscures que les récits de James McBride se chargent d’éclaircir. La détermination de ces héros est un faible mot pour dire leurs engagements et, de ce fait, l’avènement de destins exceptionnels. Non qu’ils deviennent des personnages en vue, mais la force de conviction qui les dirige leur procure une intensité de vie qui les place en dehors de la norme et donne un sens profond à leurs existences. Ce sont des pères, des maîtres, des abolitionnistes, des hommes de foi, d’anciens combattants… Il y a quelques portraits de femmes ou filles puissantes qui restent cependant cantonnées aux seconds rôles. Les figure tutélaires masculines de J. McBride peuvent être farfelues, elles peuvent parcourir le monde en haillons ou soigneusement vêtues, elles sont à première vue ordinaires, toujours simples, accessibles et authentiques. Ce sont toutes et tous des personnages qui souffrent et qui l’acceptent avec humilité.
Il émane de cette œuvre une conscience prégnante du caractère éphémère de la vie. Tous ces personnages sont de sable, le moindre coup de vent les emporte et en l’absence de vent ils s’usent, se ratatinent et disparaissent. C’est sans doute la raison de l’importance de la moralité et de la solidarité opposées à l’orgueil et à l’avidité. Certes, ce sont des valeurs qui ne surprennent pas chez un fils de pasteur, mais elles sont incarnées et nous sommes touchés.
Les écrits de James McBride sont des contes, des aventures épiques et existentielles. Nombre de ses récits apparaissent au fil des pages comme un témoignage sur la vie des Noirs américains, sur l’incarnation d’une couleur de peau dans un monde compartimenté, dominé par les Blancs. La place de la religion dans cette société complexe, pas si libre et ouverte qu’elle le prétend, est une des composantes essentielles, ce qui fait que dans cette œuvre, par la force des antagonismes autant que par celle des croyances, les miracles sont possibles davantage qu’ailleurs.
Alegría Tennessie
Photo © Chia Messina