Nathacha Appanah est ma découverte littéraire de l’année et je commence cet article en sachant que mes mots ne rendront jamais compte de la beauté de ce roman.
Au crépuscule de sa vie, Raj, le narrateur se souvient du petit juif, David, rencontré fin 44 sur son île natale, Maurice. À ce moment-là, l’enfant de 9 ans qu’il était ne savait pas que le monde était en guerre contre l’occupant nazi et que les juifs étaient destinés à l’extermination totale. Par culpabilité, par chagrin aussi, le narrateur nous raconte dans ce livre sur la mémoire, sur le devoir de mémoire, son amitié intense, indéfectible et sans tache, avec David, évadé de la geôle où il était enfermé. En 1944, 1500 juifs refoulés à Haifa, de la Palestine sous mandat britannique, furent conduits dans une prison à l’île Maurice et beaucoup y périrent.
Raj, enfant pauvre, taciturne et sauvage, jouit de la tendresse de sa mère et pâtit de la violence de son père alcoolique qui s’abat tour à tour sur sa mère et sur lui. Il trouve du réconfort à son enfance meurtrie dans cette rencontre avec David dont la souffrance fait écho à la sienne. C’est la naissance d’une amitié fraternelle faite de rires et de larmes, de grâce enfantine et de solidarité. Ensemble, ils connaissent la forêt luxuriante, verte et sombre, tantôt accueillante, tantôt piège sournois, terrain de jeu fabuleux, et y retrouvent le goût du bonheur. Pour le meilleur et pour le pire. David parviendra- t-il à remplacer les frères de Raj, emportés par un cyclone, à guérir ses blessures d’enfance ? Raj pourra t-il faire oublier à David le malheur d’être né juif ?
Une histoire lumineuse, délicate et poétique. Un roman inoubliable.
Francine Klajnberg
Le dernier frère de Nathacha Appanah, Points 2008
Photo Pere Farré