« On ne dissout pas un dérèglement planétaire. On n’efface pas par décret les constats scientifiques ni le refus d’un capitalisme radicalisé fonçant dans le mur. Loin des procès en « écoterrorisme », ce qui se joue autour des mouvements comme les Soulèvements de la Terre n’est rien d’autre que la bataille de ce siècle. »
Voici ce que nous dit la quatrième de couverture de ce livre, dédié aux blessé·es de Sainte-Soline, dont les droits d’auteur sont versés aux Soulèvements de la Terre.
« Cet abécédaire est un geste parmi d’autres pour prolonger la dynamique des Soulèvements de la Terre. Un petit lexique, composé dans l’urgence, pour le mouvement. (…) Parler pour, sans parler à la place de. S’entrelacent ainsi les voix de scientifiques, d’écrivains·es et celles d’anonymes, d’organisations et de collectifs qui ont pris part plus activement à la dynamique des Soulèvements de la Terre depuis sa création. »
Rappelons ici que le mouvement a été dissous en Conseil des ministres, le mercredi 21 juin 2023. Lorsqu’on sait que cette dissolution était directement réclamée au chef de l’Etat par l’agro-industrie et la FNSEA, on comprend que le « syndicat du crime écologique », et sa promotion de l’irrigation intensive, de la monoculture, et de l’utilisation massive de pesticides, a encore de beaux jours devant lui.
Contrairement à ceux qui se mobilisent pour dénoncer des projets néfastes pour l’environnement, opposants qui ont décidé de cesser de s’épuiser dans des mobilisations écologistes non-violentes ou des « recours interminables pendant que les projets se poursuivent », qui eux se font calomnier, traiter de terroristes et déshumaniser alors même que certains manifestants de Sainte-Soline sont encore dans le coma.
L’État français n’hésite pas à canarder, blesser et in fine tuer, pour un cratère, se foutant magistralement de l’assèchement dû au changement climatique et du recul de la biodiversité.
Tandis que l’eau souterraine qui ne cesse de diminuer est captée dans des mégabassinnes, Florence Habets, hydrogéologue au CNRS, nous prévient qu’en France, pour ce qui est des nappes phréatiques,. « il n’existe que 2 000 points de suivi journaliers, un nombre qui ne cesse de baisser. Même lorsque des projets impactants comme des bassines dédiées à l’irrigation agricole sont planifiés, il n’y a pas d’effort pour compléter le réseau d’observation des nappes et rivières adjacentes ».
« Au groupe de parole des Asséchés anonymes, il y a assis en rond toutes les formes de vie », écrit Baptiste Morizot. Sachant que les abeilles disparues se comptent par millions, que les insectes tombent par pans entiers, et qu’en trente ans le nombre d’oiseaux a chuté de 30 %, nous ne pouvons qu’agréer lorsque les Naturalistes des terres écrivent « Nous sommes les témoins directs du silence qui s’étend ».
Le gouvernement, par contre, se fiche totalement de ce silence comme des protestations des opposants. De même qu’il se fiche que le collectif Soulèvements de la Terre ne soit pas une association déclarée et n’ait donc pas d’existence juridique. Pour les avocats du collectif, cette dissolution « n’est qu’un détournement d’une procédure pénale qui serait, elle, plus respectueuse des droits de la défense ».
Les Soulèvements de la Terre ont annoncé dans un texte : « Nous irons devant la justice et croyons dans la possibilité d’une victoire juridique pour casser cette décision inique, comme ce fut le cas pour d’autres dissolutions pour motif politique des dernières années ».
Ce ne sera pas nécessaire dans l’immédiat ; le juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu, vendredi 11 août 2023, le décret promulgué en conseil des ministres : « il existe un doute sérieux quant à la qualification de provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens retenue par le décret de dissolution (…) Ni les pièces versées au dossier ni les échanges lors de l’audience ne permettent de considérer que le collectif cautionne d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes (…) les actions promues par Les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens n’ont été que limitées ».
Que cela ne nous empêche pas de continuer à les soutenir. L’agro-industrie ( et ses chiens de garde politiques ) ne va certainement pas en rester là.
Kits Hilaire
On ne dissout pas un soulèvement. 40 voix pour les Soulèvements de la Terre, Collectif, Seuil 2023
Illustration © Gina Cubeles : Macro Micro Earth 2, détail, collection privée, New-York.