Écrivains, poètes et artistes visuels en soutien à l’ancien maire de Riace, Calabre, condamné pour délit de solidarité.
« A vous tous qui êtes un peuple en chemin vers un rêve d’humanité, vers un lieu imaginaire de justice, chacun mettant de côté ses engagements quotidiens et défiant même les intempéries. Je dis merci. »
Ainsi parle Mimmo Lucano, condamné en 2021 à 13 ans de prison, à tous ceux qui le soutiennent. Ce jour-là, l’État italien, et son « décret-loi Salvini » – le regroupement des demandeurs d’asile dans de grands centres d’accueil – , aidé de la mafia calabraise, avait enfin eu sa peau.
Au moment de son arrestation, que l’écrivain antimafia Roberto Saviano avait dénoncé comme » premier acte vers la transformation définitive de l’Italie en État autoritaire », ajoutant : « Vous paraît-il possible que le problème de la Calabre, terre de trafic de drogue et de corruption criminelle, soit l’immigration ? », on pouvait lire sur le blog du Mouvement 5 étoiles : « Pas un centime pour Riace (…). Le gouvernement du changement a déclaré la guerre au business de l’immigration ».
L’acharnement contre le maire de cette petite commune, qui avait tout d’abord accueilli près de 200 femmes, hommes et enfants kurdes en 1998, a débuté lorsque Matteo Salvini, alors ministre de l’Intérieur, en 2017, en a fait sa bête noire. Riace, avec ses coopératives de nouveaux arrivants, ses maisons abandonnées réhabilitées, son école vivante, ses ateliers, vignes re-cultivées et autre artisanat local lui sortait par les yeux. Mimmo Lucano était « un zéro » à effacer de la carte. Chose faite à Locres, en septembre 2021, avec ces 13 ans de réclusion criminelle, plus que pour un mafieux de la Cosa Nostra, alors que le tribunal n’en avait requis « que » sept « pour l’exemple ». Mimmo, accusé d’association de malfaiteurs visant à aider à l’immigration clandestine, de détournement de fonds, escroquerie, et abus de fonction, était reconnu coupable par un tribunal qui ne niait ni la « motivation humanitaire » ni l’ « absence d’enrichissement personnel ». Fauché par ce que Cédric Herrou, agriculteur et militant de la vallée de la Roya, lui aussi poursuivi un temps pour accueil de migrants, qualifie de racisme systémique.
« Le ciel traversé de nombreux nuages sombres, les mêmes couleurs, la même vague noire qui traverse les cieux d’Europe, ne laisse plus entrevoir les horizons indescriptibles de pics et d’abîmes, de terres, de douleurs et de croix, de la cruauté des nouvelles barbaries fascistes. »
Le 26 octobre prochain, l’ancien maire de Riace qui dénonce « l’Europe des fils de fer barbelés » et clame haut et fort que « la légalité ça a été le troisième Reich, l’esclavage, l’apartheid », et 17 autres personnes accusées avec lui, repassent en jugement. Ils se sont pourvus en appel.
D’ici-là, achetons Terre d’humanité et souhaitons-nous, avec eux : « le courage d’être seul et l’audace de rester ensemble, sous les mêmes idéaux. »
« Pouvoir être désobéissant chaque fois que nous recevons des ordres qui humilient notre conscience. (…) Être assez têtu pour continuer à croire, même contre toute évidence, qu’il vaut la peine d’être des hommes et des femmes. »
Kits Hilaire
Terre d’humanité, Un chœur pour Mimmo, Collectif, Le Merle moqueur/Manifeste! 2022
Photo © Gina Cubeles