Photo © Adèle O’Longh

Petite Louve
de Marie Van Moere

Ce road-trip sanglant jette de Marseille aux routes de Corse une jeune femme et sa fille de douze ans en une histoire de vendetta qui pourrait ne jamais finir.

La petite et la mère restent sans nom la plus grande partie du roman, mais la densité de leurs personnages et de leurs rapports rend ce détail négligeable. La petite a été violée deux ans plus tôt, et son violeur, sitôt sorti de taule, est tué par la mère, qui s’enfuit après le meurtre avec sa fille. Mais l’exécuté fait partie d’une famille ultra-violente, et l’engrenage de la vengeance continue à mordre et tourner. Le roman met en scène la mécanique de la violence avec un luxe de détails, mais aussi, en même temps, la délicatesse des interactions entre une mère totalement détruite et aveuglée par la haine et une enfant anorexique qui chemine en tâtonnant sur les chemins aléatoires de la survie psychique et physique. La mère croit sauver sa fille en la vengeant, l’enfant sait que les deux termes s’excluent. Elle puise dans les livres, qu’elle dévore depuis l’agression à laquelle elle a failli ne pas survivre, de quoi temporiser, enrichir sa résistance et son envie fragile de vivre. Dans ce voyage terrifique, elle ne peut emporter qu’un livre, et ce sera Moby Dick, la lutte à mort avec le Léviathan. Ce roman hyper féroce est aussi d’une incroyable subtilité quand il met en scène les ruses de la mère pour essayer de faire manger sa fille, leurs fâcheries, leurs négociations perpétuelles, leur sincérité, leur confiance réciproque et l’amour évident, impossible qui les unit.

Chaque chapitre est ouvert par un verbe en guise de titre, comme pour évoquer un film d’action, quand il s’agit d’un parcours initiatique de cauchemar plongeant littéralement dans une fin qui est aussi un recommencement, aussi brutal qu’une mort violente.

« Dans ses souvenirs, elle s’était toujours découverte au bain d’acide, comme une plaque de cuivre. Quand cette plaque commençait à verdir, la mer aussi était capable de racler les souillures. Un baptême renouvelé. Se baigner, loin, dans le silence, flotter au-dessus d’une étendue d’algues, plonger en apnée et s’y blottir les yeux fermés en luttant contre la remontée, remonter, inspirer, flotter encore puis redescendre chercher une poignée de sable qui s’évanouira dans la main, émerger à la limite de la noyade, inspirer comme la première fois. »

Lonnie

Petite Louve de Marie Van Moere, La Manufacture de livres, 2014

Photo © Adèle O’Longh