Le monde décrit par Falk Richter dans cette pièce est devenu un vaste entretien de recrutement, une start-up mondialisée; 5 personnages se succèdent sur un plateau nu, connectés à leurs tablettes, comptes facebook et ordinateurs. Ils gueulent, passent des consignes, ébauchent des « amorces de solutions », se gonflent jusqu’à l’asphyxie, s’époumonent pour rester dans la course; ils énoncent des phrases stéréotypées, titubent dans une vie qui n’est pas la leur. Car ils ont perdu leur langue, plus de textes qui soient reliés à eux. Falk Richter nous montre comment le culte de la performance liée à l’économie de marché a fait imploser notre langage, nous condamnant à la solitude. « Je n’ai plus de langue pour exprimer ce que je suis en train de ressentir et ce que je désire » dit l’un des 5 consultants.
Mais à 2 heures du matin, « un chien péte les plombs », les corps lâchent. Certains décident de quitter la course, d’autres ont juste envie de cogner, comme ça. À 2 heures du matin, les horloges se dérèglent et tout s’arrête… Tout s’arrête pour de bon.
L’écriture de Falk Richter procède d’une rythmique effrénée, énumérations, allitérations, soliloques, le comédien est souvent tenu à une performance physique, bouche, muscles tendus, associations d’idées continuelles, ça souffle, ça déglutie, en écho effréné. Une mention spéciale pour Olivia Kryger et Moussa Kobzili. La mise en scène épurée de René Loyon met en valeur l’immédiateté d’un théâtre direct et engagé.
Sylvie Boursier
À 2 heures du matin de Falk Richter, mise en scène de René Loyon, théâtre de l’Atalante du 13-09 au 13-10-2019
Photo de Silvie Boursier