Vous êtes sonné, HS depuis le 9 juin, tout ça pour ça pensez-vous ? Welcome, bienvenue au Birgit Kabarett de Julie Bertin et Jade Herbulot. « Un monde où l’on ne rit pas est un monde dont on doit rire », selon Brecht, ces drôles de dames vous redressent la caboche, vous ripolinent une arène politique glauquissime avec une ordonnance désopilante, jamais vulgaire, entre Lexomil, système D et coups foireux. Julie et Jade adaptent leur cabaret satirique à l’actualité et pour ce cinquième opus, il y a de quoi faire ! Elles ont épluché les moindres rebondissements d’un feuilleton médiatique riche en retournements de vestes, professions de foi et séquestrations en tous genres, un vrai bal des marioles. Grégoire Louvet et Romain Maron ont composé les chansons épatantes de ce spectacle éphémère pour quatre performeuses, comédiennes, chanteuses transformistes.
La République à peine sortie des frégates de Taiwan et des Pandora Papers est plongée dans Tiktok et Instagram. Sur la scène du Rond-Point, Dati, Hidalgo, Bardela, Ciotti, Attal et bien d’autres sont les roitelets cyniques des médias, seul compte le nombre de followers et l’image. Tandis que Jupiter trône, Olivier Faure lève les yeux au ciel et Ruffin plastronne gaiement. Fidèle à la distanciation brechtienne, les pancartes défilent à chaque changement de costume avec un texte simple dont le seul but est l’adresse au public directement mis à contribution à la fin pour un Kabarett quizz. Bravo aux spectateurs qui ont reconnu les mots dissolution et ruissellement, ainsi que l’expression Enfourchez le tigre (conseil taoïste adressé aux artistes en 2020 par Emmanuel Macron). Avant tout, un immense respect à Eléonore
Arnaud, Pauline Deshons, Anna Fournier et Marie Sambourg, véritables artistes de music-hall qui savent tout faire et vous campent en un tour de main des silhouettes burlesques parfaitement reconnaissables à la Daumier. C’est le point fort du spectacle, dans la grande tradition expressionniste allemande des cabarets berlinois d’avant-guerre, supprimés à l’arrivée d’Hitler au pouvoir, dont les artistes furent déportés. On a particulièrement aimé le match de boxe entre Gabriel et Jordan (entre Jordan et Jordy célèbre bambin chanteur de dur dur être bébé, 2 lettres d’écart), grand classique des cabarets germaniques ainsi que l’effigie d’Ursula von der Leyen, totalement effondrée devant le monstre qu’elle a contribué à forger, face à un Olaf Scholz ruminant dans sa tanière et un Emmanuel Macron vibrionnant sur le pont d’Arcole. Les maitresses de cérémonie, Julie Bertin et Jade Herbulot sont férues de théâtre historique, avec ou sans grand A. On se souvient de leur dernière création, Les Suppliques, ces requêtes adressées pendant la guerre par des juifs au commissariat de Pétain, présentée en 2023 au théâtre Gérard Philippe.
On rit, un peu jaune quand même, face à notre roman national au petit pied, un rire de résistance, tandis que Charles se retourne dans sa tombe lorsque tous se disputent sa dépouille. Longue vie au Birgit Kabarett !
Sylvie Boursier
Photo © Christophe Raynaud de Lage
Le Birgit Kabarett mise en scène de Julie Bertin et Jade Herbulot
Vu au théâtre du Rond-Point à Paris le 19 juin 2024
Tournée : 5 et 6 décembre 2024, Pantin (93), 17 et 18 décembre 2024 Chatenay-Malabry (92), 20 et 21 décembre 2024 Le Havre (76), 8 au 19 janvier 2025 Théâtre Gérard Philipe – CDN de Saint-Denis (93), semaine du 20 janvier 2025, Châtillon (92)