Avez-vous vu La Source
de Rodolphe Lauga ?

Vous êtes-vous déjà arrêté au bord d’une plage pour regarder les surfeurs, ces pingouins, éternels guetteurs, qui passent beaucoup plus de temps immergés, à attendre la vague, que debout sur leur planche ? Avez-vous déjà eu envie d’être à l’intérieur d’un de ces immenses rouleaux turquoise, de glisser dans un tube ?

Si ce n’est pas le cas, vous pouvez quand même voir La Source, un film qui raconte l’histoire de Samir, jeune habitant d’une cité de banlieue située bien loin de la mer, qui, un beau jour, a tout le loisir de détailler un poster de surf alors qu’il est coincé dans un garage suite à une tentative infructueuse de vol de voiture. Sa mésaventure tourne à l’émerveillement, et l’émerveillement à la révélation : il deviendra surfeur. Le voici qui décide donc d’apprendre à nager et de devenir secouriste pour pouvoir accéder à la glisse et aux plages. Il s’entraîne dur, dans le vague parc de la cité et à la piscine municipale, coaché par l’inénarrable ex catcheur joué par un excellent Christophe Lambert. L’été arrive. Samir, certificat en poche, moqué et rejeté violemment par ses anciens copains qui le traitent de pédé, part travailler au bord de l’océan où il intègre une équipe de sauveteurs. Ce faisant, il change complètement de planète.

Postulat de départ, donc, assez échevelé, qu’on nous dit tiré d’une histoire vraie. Et pourtant, on se laisse prendre par ce film qui nous évite le sentimentalisme tarte à la crème, on a envie d’y croire. Le milieu des surfeurs est plutôt pacifique. La plage, le soleil et la mer, la patience dont il faut faire preuve dans l’attente d’une vague, incitent plus à la détente qu’à l’agressivité. On voudrait dès lors  penser que la mer a tous les pouvoirs, et qu’il suffit d’ouvrir le champ et de sortir de l’enfermement, de se laisser brasser par les vagues, de s’épuiser dans l’eau, dans le bleu qui guérit tout, de monter et remonter sur une planche pour changer le cours d’une vie.

Et pourquoi pas? Si l’une des conséquences du ghetto est le mur que celui-ci élève dans la tête de ses habitants, en particulier des plus jeunes ;  l’incapacité de voir ce qu’il y a derrière la cité,  alors partir change tout. Surtout si l’on part seul. Aller voir ailleurs est la meilleure chose à faire. Les étudiants, qui ont grandi dans d’autres quartiers que le héros de La Source, le savent bien ; eux qui s’en vont en Erasmus, qui prennent l’avion comme d’autres le métro, qui sillonnent le monde pour faire des stages, passant de l’Italie à la Chine, de Berlin à New York.

Et puisque tourner le dos à une vie dont on ne veut pas et mettre le cap sur l’horizon est une décision salutaire, pourquoi une bonne vague ne pourrait-elle  pas dévier un chemin tout tracé?

Adèle O’Longh