La découronnée
de Claude Amoz

Deux frères échangent leur appartement. Leur mère adoptive s’est rapprochée du plus brillant, mais c’est surtout pour elle une opportunité, en réaménageant dans les lieux de sa jeunesse, de fouiller un passé jamais résolu.

Une adolescente se croit enceinte, sa belle-mère l’est. Quel rôle a joué celle-ci dans la mort de sa mère, des années plus tôt ?

Pour tous les personnages de ce roman, le passé est lourd de blessures jamais cicatrisées. En un ballet parfaitement orchestré autour d’un petit appartement qui tel une famille s’est recomposé au fil du temps, les différents protagonistes vont aller à la recherche de ce passé irrésolu et vont plonger dans des drames présents en échouant à éclairer ce qui fut. L’appartement lui-même fut divisé en lots, habité par différentes personnes, reconfiguré plusieurs fois. Comme le passé, il a ses points de vue disparus, ses cloisons écroulées, ses perspectives modifiées.

Toutes les trames se tissent autour des liens maternels. C’est une douloureuse et multiforme exploration de la maternité qui se déploie au fil des pages, maternité clandestine, maternité brisée, maternité de substitution, maternité désirée, maternité redoutée, maternité honnie, maternité démente, toutes les formes de liens brisés ou créés entre des mères aussi différentes que les enfants qu’elles recueillent, enfantent ou refusent sont exposées au fur et à mesure que les fils se rejoignent et s’assemblent un instant pour se défaire de nouveau.

« …Elle n’a pas son pareil pour retrouver les traces anciennes. Sans doute pour avoir vu, durant son enfance, travailler des archéologues dans des hangars poussiéreux qui leur servaient d’ateliers. Le travail était très long, très ennuyeux, ils numérotaient de minuscules tessons, disposés sur de grandes tables, cela n’en finissait pas, ces fragments ne ressemblaient à rien. Une fois qu’ils les avaient numérotés, ils les dessinaient dans des cahiers. Une patience démesurée, absurde. Des maniaques, ces hommes qui lui criaient de ne toucher à rien, de ne surtout rien déplacer.

« On se demande ce que tu cherches, enfant, à fureter ici, toujours dans nos jambes, dégage, laisse-nous ! »

Mais au moment où l’ennui était le plus grand, lui soufflant de s’en retourner dehors, au soleil – il n’y a rien à voir, tu perds ton temps -, à ce moment précis, comme s’il était nécessaire d’avoir atteint le découragement le plus profond pour que la longue attente soit enfin récompensée, les éléments épars étaient assemblés, les pinces et la colle entraient en action, et l’on voyait renaître une statuette ou un vase disloqués depuis des millénaires. »

On trouve dans ce récit multifocal des personnes de tous les âges, une adolescente, des hommes et des femmes, des vieilles gens, et l’inévitable miss Marple, la petite dame en bleu. Mais dans ce roman trouble et obsédant, rien n’est conforme aux apparences.

Lonnie

La découronnée de Claude Amoz, Rivages noir.

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