Respect
Zehra Doğan

Quatre murs de prison. Chaleur étouffante. Geôle puante. Une femme kurde, prisonnière politique raconte sa captivité au travers de lettres écrites à une amie turque, Naz, vivant en France. Cette femme, c’est Zehra Doğan, journaliste, écrivaine et peintre emprisonnée en Turquie (de juillet 2017 à février 2019) pour un dessin qui a déplu au gouvernement. Chacune des lettres nous livre un pan de la personnalité de Zehra, féministe révolutionnaire, et nous informe sur les conditions de détention. Tout en nous démontrant qu’à travers les médias, on n’apprend décidemment rien sur la question kurde. À ce titre, il faut lire Nous aurons aussi de beaux jours dont la valeur de témoignage est exceptionnelle.

Privée de liberté extérieure, Zehra garde une immense liberté intérieure utilisée pour ses dessins, ses échanges avec les codétenues. Elle produit ses œuvres avec des déchets de nourriture conservés, du sang menstruel, des fientes d’oiseaux… Ses échanges avec ses sœurs de cellule balaient tous les sujets de l’existence humaine, de la politique, de la philosophie. Chaque débat est la manifestation d’une résistance opposée à l’enfermement, une bataille de l’intelligence contre l’obscurantisme. Une lutte pour en finir avec la souffrance du peuple kurde, opprimé, génocidé aujourd’hui.

Zehra Doğan, debout pour la liberté de la femme, fine analyste de la domination masculine se montre d’une générosité sans limite dans les portraits qu’elle dresse de ses compagnes de cellule. Cellule dans laquelle « on mène sans cesse un combat pour la vie et on apprend à rester droite, debout, tête haute, face à ce pouvoir d’anéantissement ».

L’extérieur, ce sont les étoiles vues dans un carré de ciel et le texte émouvant d’un ciel de geôle dédié à tous les prisonniers kurdes morts en prison par suicide. L’extérieur, ce sont les lettres de Naz qui se bat pour exposer les dessins de Zehra, faire connaître son talent. L’extérieur, c’est ce lien indéfectible entre les deux femmes.

Parfois les lettres se font plus politiques, langage de combat, s’habillent d’un corpus idéologique radical, anticapitaliste, discours de militante forcément un peu manichéen. L’écriture est libre, authentique et déterminée. Sans concession.

Respect Zehra Dogan, nos luttes communes auront raison de l’ignominie.

Francine Klajnberg

Zehra Doğan Nous aurons aussi de beaux jours, Écrits de prison, Éditions Des Femmes 2019

Une poignée de ciel recto verso, 2018 (verso) – Eau de javel et stylo-bille sur doublure d’oreiller, 49x69cm © Zehra Doğan

Photo © Jef Rabillon