Vie et Mort d’un chien traduit du danois par Niels Nielsen

Texte et mise en scène de Jean Bechetoille.

La pièce s’ouvre sur le cri déchirant de Markus Nielsen, à l’annonce du décès de son frère Vincent. Le temps s’est arrêté pour lui, il est envahi par les images obsédantes de ce jour d’hiver où son frère a disparu fauché par une voiture sur une autoroute belge. Accident ou suicide ? Qu’allait faire Vincent, seul, la nuit, au milieu de l’autoroute ?

Pour sauver sa peau Markus Nielsen n’a d’autre choix que de faire éclater la vérité ; sur le plateau vont se succéder des séquences en amont et en aval du drame, suivant les flashs du personnage. La famille Nielsen y apparait d’emblée névrotique. Le père, ectoplasme démissionnaire, répète en boucle « tout ça va mal finir » et se réfugie derrière son piano dés que la situation se gâte. La mère, écœurante d’optimisme, demande à tout bout de champ « est ce que tout va bien ? », Bénédicte, la sœur, voudrait croire malgré tout aux fiançailles, au mariage, aux institutions, pendant que Vincent distille des messages inquiétants sans être entendu. Une mention spéciale pour le chien joué par un acteur épatant, Romain Francisco, qui arpente la scène avec les bonds à la verticale du labrador, pattes en l’air sur les jambes de son maitre. Le clébard plein d’humour « de père labrador, de mère inconnue », déclare au public « n’être  jamais aussi heureux que dans un milieu hostile ». Au milieu de cette constellation maudite Markus, interprété avec intensité par William Lebghil « sent un poids sur les épaules et est attiré vers le sol ». Pour échapper au destin familial, il se réfugie au sein de la Confrérie des enfants de Syrius dirigée par le gourou Frank, partisan «au delà du développement personnel », «de l’épanouissement personnel ». Mais son séjour, dans ce « lieu du changement » tendance new âge, échoue à le libérer de ses fantômes. On applaudit cette audace de ton à contre courant du positivisme à tout prix et du bien être érigé en valeur suprême !

C’est finalement le théâtre qui sauvera Markus. Dans la demeure familiale à Elseneur, les différents protagonistes de cette nuit fatale vont rejouer l’enchainement des circonstances liées à la mort de Vincent lors d’un psychodrame mémorable, ponctué par les jappements du chien. Cette tragi comédie alerte est orchestrée par un Jean Bechetoille qui n’hésite pas à invoquer le mythe d’Hamlet et à situer son drame à Elseneur au Danemark. L’auteur reconnait par ailleurs une inspiration autobiographique comme dans sa précédente pièce, Comment Igor a disparu, montée au théâtre 13 en 2017. Il faut saluer la magnifique complicité de cette jeune troupe, La compagnie du 01 aout, fondée en 2016. L’engagement des comédiens est sans faille. Ma seule  réserve porte sur le texte qui insiste un peu lourdement sur la toxicité de la famille notamment à la fin. Malgré cela, ne ratez pas ce spectacle dont on espère vivement une reprise en 2020.

Sylvie Boursier

Théâtre la Tempête
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris

Du 20 septembre au 20 octobre 2019