Ce livre fait l’effet d’un gigantesque cétacé qui remonterait des abysses et qui apparaitrait dans la splendeur de sa simple vérité. Offrant un instant de grâce dans notre monde perdu et sophistiqué. Un rappel et peut être un appel, aux êtres de vie, d’amour et de colère que nous sommes, passionnément. L’homme arraché à la Nature, à sa nature, lorsqu’il est psychologiquement ou physiquement enfermé, contraint, scinde son corps et son esprit. Il se perd, perd la raison ou se blotti dans de confortables faux semblants.
Par les noms des personnages, par leur délicate ou violente bestialité, l’auteure nous plonge dans un univers imprégné de vie primitive quasiment factuelle. Phénix, Loup, Paloma se débattent avec ce qui les traverse. Ils sont bien malgré eux davantage spectateurs qu’acteur tant ils ont peu de prise sur leurs sentiments et leur existences physiques. Dans ce sens le récit est modeste.
C’est un cri peuplé de cris libérateurs, des ondes puissantes et bouleversantes. Tout est profondément poétique, la langue, les images, ce qui est soulevé dans le cœur du lecteur.
C’est un travail d’orfèvre qui échappe à l’élargissement, à la dilution générale des savoir-faire dans un monde qui, malgré les apparences est de moins en moins soucieux du bien-être de chacun. La description de la prison avec sa précision documentaire enrichi fabuleusement le propos. Qu’est-ce fondamentalement que d’Être ? D’être au monde, à la vie, à soi, en authenticité.
Natacha Appanah nous immerge dans la tête de ses personnages, dans leurs ressentis, puis elle nous éjecte à l’extérieur, nous présente la vision des autres et cette vision, par exemple celle d’un médecin face à une femme qui accouche et qu’il admire n’a rien à voir avec ce qu’elle est à l’intérieur d’elle-même. Sa vision est décalée, comme dans la réalité, fantasmée. Nous sommes dans la peau ou en dehors, il n’y a pas d’entre deux.
Ici tout est juste, maîtrisé, organisé pour vous propulser vers l’essence des étoiles. Un voyage à ne pas manquer !
Alegria Tennessie
Le ciel par-dessus le toit de Nathacha Appanah, Gallimard 2019
Photo Ariane Segelstein. Ariane Segelstein, Sans titre, 2019, carton, fil, gouache, 23 x 32cm