Photo © Adèle O’Longh

Jusqu’au prodige
de Fanny Wallendorf

Il fallait ça, cet amour du Vercors, avec ses infinies tonalités de vert, ses esprits et ses rêves, les fougères et les baies, les feuilles qui bercent, il fallait le vivant qui englobe, les bois qui rassurent, les dos des vieux rochers, les mousses moelleuses, et puis le froid des glacières, les remontées frissonnantes, et la sensation pourtant, puissante, la certitude, que rien de vraiment moche ne peut arriver dans la forêt de légende, que rien de mal ne peut se produire ici, au cœur du vert, dans la pénombre du sous-bois, dans le tremblement des rayons filtrés du soleil. Il fallait cet espoir, cette confiance malgré tout…

Le Vercors, comme un ami très cher, une mère nourricière, les bras câlins d’un père, le Vercors, comme ce frère de la petite Thérèse, ce frère tant aimé, maquisard aux yeux gris et aux lèvres fines qui, en 1940, l’envoie se réfugier dans une ferme en lui donnant rendez-vous à Valchevrière à la fin de la guerre. Valchevrière, hameau refuge, base de résistance incendiée par les nazis allemands les 22 et 23 juillet 1944, où les combattants sont morts les armes à la main.

Tandis que son frère prend le maquis, la petite Thérèse reste prisonnière durant quatre années du « chasseur », nouveau maître de la ferme où elle croyait trouver asile. Quatre ans de terreur qu’elle brise un jour par sa fuite.

Elle court alors, Thérèse. Elle court dans les bois tendres de cette « montagne à vaches », elle court portée par son lien avec les êtres qui l’habitent, partie du vivant et vivant elle-même, elle court vers son frère, vers la promesse de l’amour retrouvé, la joie, au bout du chemin…

Et elle a raison de courir, la petite, parce que même si la guerre et la mort sont absolues, même si « le crime ne s’arrête pas (mais) cesse simplement parfois de se déguiser », rien n’est pour toujours, et aussi sûrement que la lumière du jour a été soufflée par la furie de la haine, « l’enfer aussi connaîtra sa nuit ».

Kits Hilaire

Jusqu’au Prodige, de Fanny Wallendorf, Finitude 2023.

Photo © Adèle O’Longh

Spéciale dédicace à Antoine Marnas.